14 avril 2001

 

L’idée d’évolution, après m’avoir simplement irrité par la hiérarchie qu’elle suggère entre les « évolués » et les autres, m’apparaît aujourd’hui comme le hochet indispensable des adultes culpabilisés par l’idée de leur devenir.

 

A divers titres les hommes se préoccupent de leur futur et ne songent qu’à fuir le passé, voire même le présent, pour se vautrer dans les mirages d’un futur prometteur et radieux. Le plus scandaleux dans cette hypothèse, est que tout l’univers est suspecté lui aussi « d’évolution ». On parle «d’évolution des espèces » comme si elles se dirigeaient inexorablement vers une perfection immanente, on parle de « sociétés développées » et de celles qui sont « en voie de », on propose aux individus de « travailler sur eux-mêmes », afin de « progresser ».

 

Pourtant , rien n’indique que les êtres qui vivent aujourd’hui, mis en présence des conditions d’il y a quelques milliers d’années, feraient bonne figure. Les sociétés humaines par exemple, développent de nouvelles nuisances mortifères à mesure qu’elles se développent. Quant aux individus, les vieux sont ils infailliblement plus évolués que les jeunes ?

 

En d’autres termes, je pense qu’il est sans doute possible de s’adapter momentanément à des conditions de vie changeantes et que cette adaptation requiert des facultés qui ne légitiment aucun orgueil ni aucune honte. Je crains que cette fringale du devenir nuise à une juste reconnaissance du passé. Plutôt que de considérer son passé comme une inavouable série de fautes, de faiblesses, d’indigences, de désavantages, je proposerais comme exercice d’imaginer son passé comme perfectible et son futur comme acquis. Par ce renversement bucolique, je suggère que l’on parte à la conquête de son passé et de son présent, pour y déceler toutes les « évolutions » qui y sont et furent nécessaires.

 

Espérer dans son passé et faire table rase du futur.